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Chapitre 2 : Théorie des Contrats

 

Partie 1 : Généralités

1.                   Introduction

 

La relation économique la plus simple que l’on puisse rencontrer est celle qui met en présence un acheteur et un vendeur. L’un souhaite acheter le produit, l’autre souhaite le vendre : une affaire peut être conclue si chacun y trouve son compte, c’est-à-dire si le prix est inférieur au consentement à payer de l’acheteur et supérieur au prix plancher du vendeur.

Dans ce cas de figure, la transaction « crée de la valeur » : chacun des protagonistes ayant librement  accepté la transaction a le sentiment d’avoir gagné au change. Si v est le consentement à payer de l’acheteur, c'est-à-dire le prix au-delà duquel il ne pense pas faire une affaire, et c le prix plancher du vendeur (par exemple c est le coût de revient ou le prix de gros…), le bénéfice de l’acheteur, si la transaction s’effectue au prix p, est égal à v-p et celui du vendeur à p-c. Evidemment, chacun ne peut faire un bénéfice positif que lorsque v≥c. Dans ce cas, la valeur créée par la transaction (v-c) est répartie entre les deux acteurs : v-c= v-p+ p-c.

 

D’une manière plus générale, une relation économique élémentaire, met en présence deux protagonistes pouvant coopérer pour créer de la valeur. La coopérartion sera « volontaire » si chacun y trouve son compte, c'est-à-dire, si chacun tire bénéfice de la coopération. La première caractéristique d’un contrat est donc de fixer les règles du partage des fruits de la coopération.

 

Tout va bien tant que l’information entre les protagonistes est symétrique : si les deux individus connaissent c et v, le seul problème concerne les modalités de  partage du surplus. C’est  par exemple, une affaire de rapport de « force » dans la négociation. Imaginons une négociation de la forme « c’est à prendre ou à laisser » ou l’un des deux fixe ses conditions et l’autre n’a d’autre latitude que d’accepter ou refuser. Lorsque l’information est parfaite, celui qui propose peut s’accaparer l’intégralité du bénéfice de la transaction v-c. Evidemment, d’autres formes de négociation sont possibles, dans lesquels les rapports de force sont plus équilibrés. D’une manière générale, quelle que soit le mode de négociation, celui-ci aboutit à un partage du bénéfice total de la transaction sans perte d’efficacité.

 

Lorsque l’information n’est pas symétrique le problème se complique. Le cas simple du vendeur ne connaissant pas exactement le consentement à payer de l’acheteur est éclairant. Supposons que le vendeur n’aie qu’une information « statistique » du consentement à payer de l’acheteur représentée par une fonction de distribution  F sur un intervalle [v0,v1] , avec v1>c, (F(v)=probabilité que le consentement à payer soit inférieur à v). Dans un négociation simple ou le vendeur propose et l’acheteur dispose, cette déficience d’information engendre une certaine inefficacité. Le vendeur est devant un dilemme : s’il propose un prix bas (proche de  v0), il a de grande chances de voir son offre acceptée, mais son bénéfice sera faible. S’il propose un prix plus élevé, son bénéfice augmente mais il court le risque de voir sa proposition refusée. L’arbitrage optimal est tel que les deux effets se compensent exactement : il fixe un prix p* qui maximise (p-c)(1-F(p)), c'est-à-dire tel que

 (p*-c)f(p*)=1-F(p*).  Dès lors que ce prix est supérieur à  v0, il y a une perte d’efficacité : on renonce à des transactions « collectivement profitables » (celles telles que  v0≤v<p* et c≤v).

 

Ici l’information concernait le consentement à payer. On peut imaginer d’autres cas de figures d’asymétrie d’information. Par exemple sur la « qualité » du bien qui peut être connue du seul vendeur. Auquel cas, le vendeur aura tendance à essayer de convaincre l’acheteur que son bien est d’excellente qualité.

Le surplus de la transaction peut par exemple dépendre d’actions, d’effort ou d’ardeur, entrepris par l’un ou les deux protagonistes, ceux-ci pouvant être plus ou moins repérable dans les résultats. La forme du contrat qui répartit les bénéfices de la coopération aura alors une importance radicale en terme d’incitation des parties.

 

D’une manière générale la théorie des contrats examine les situations dans lesquelles :

Une transaction mutuellement profitable est a priori possible entre deux partenaires,

Le bénéfice individuel et/ou total de cette transaction dépend cependant d’informations privées et éventuellement des comportements (plus ou moins observables) des parties.

Le tout dans un environnement aléatoire.

 

 

2. Exemple introductif

 

L’exemple suivant est l’exemple emblématique de la théorie des contrats. On considère le marché des voitures d’occasion. On suppose que la qualité d’une telle voiture peut être bonne (B) ou mauvaise (M). Les acheteurs sur ce marché n’ont évidemment pas le même consentement à payer selon la qualité. On a par exemple vB=50 et vM=30. Du côté des vendeurs on a aussi une différence des prix plancher cB=40 et cM=25. A priori, la proportion de voitures de bonne qualité est connue (d’expérience) des deux parties et égale à l.

 

 

Consentement à payer

Coût

Proportion

(Bonne qualité)  B

50

40

l

(Mauvaise qualité) M

30

25

1-l

 

Nous nous mettons dans la situation où le vendeur propose un prix et l’acheteur accepte ou refuse.

 

Considérons d’abord le cas d’information parfaite, vendeur et acheteur peuvent observer la qualité de la voiture. Tout se passe comme s’il y avait deux marchés. Les  prix de la bonne et mauvaise qualité seront respectivement : pB=vB=50>40=cB et pM=vM=30>25=cM.

Sans surprises les transactions sont efficaces.

 

Plaçons nous dans le cas d’information asymétrique : le vendeur connaît la qualité de la voiture, mais l’acheteur n’a pas les moyens de l’observer. L’acheteur, devant une offre de prix n’a aucune information sur la qualité. Il estime donc qu’il est en face d’une bonne voiture avec probabilité l et d’une mauvaise avec probabilité 1-l. Son consentement à payer peut alors être estimé à  vl=lvB+(1-l)vM (sous l’hypothèse d’absence d’aversion pour le risque).

2 cas sont alors possibles :

*   vl≥40 : le consentement à payer est supérieur au coût des bonnes voitures, le vendeur proposera alors p= vl. Si la voiture est de bonne qualité le vendeur fait un bénéfice positif (a fortiori si la voiture est de mauvaise qualité). Il en ressort que les deux types de vendeurs ont intérêt à faire cette offre ce qui corrobore le fait que l’on a estimé la probabilté d’être en présence d’une bonne voiture à l.

*   si vl<40 : le consentement à payer est inférieur au coût des bonnes voitures. Proposer  p=vl n'est pas intéressant pour les vendeurs de bonnes voitures. Un prix supérieur étant refusé, il n’est pas possible, à l’équilibre, que la voiture offerte soit de bonne qualité. L’acheteur le sait, et la stratégie optimale du vendeur (de mauvaise voiture) consiste alors à proposer le prix p=vM.

 

Ainsi, on voit que lorsque vl<40 , l’asymétrie d’information introduit une inefficacité. On est en présence d’un phénomène d’anti-sélection : des transactions n’ont pas lieu, les vendeurs de voitures de bonne qualité se retirent du marché parce que le prix ne peut refléter que la qualité moyenne qui est trop basse pour être fortement valorisée.

 

On peut aussi avoir des configurations où il y a trop de transactions, c’est le cas si cM>30 et vl>40. En information parfaite, il est efficace de ne vendre que les bonnes voitures. En information asymétrique, toutes les voitures sont vendues !

 

Nous verrons qu’un moyen de lutter contre ce type d’inefficacité consiste à introduire un signal de qualité (label, garantie…). 

 

3. Les trois catégories de modèles

La relation contractuelle entre les deux parties peut être sommairement décrite par deux caractéristiques : le pouvoir de négociation et le type d’information cachée.

 

- Pouvoir de négociation, le modèle Principal-Agent

Dans les modèles que nous examinons, la répartition du pouvoir de négociation est très simple. L’un des acteurs, que l’on nomme le Principal possède le pouvoir de négociation : il propose les modalités de la transaction, l’autre acteur, que l’on nomme l’Agent, accepte ou refuse. Ce processus de négociation est relativement rudimentaire. Des processus de négociation plus complexes, dans lesquels chacune des parties pourrait faire propositions et contre-propositions pourraient être imaginés.

 Exercice 1 : cliquer ici

-Type d’information

Les modèles de la théorie des contrats distinguent deux types d’information. Elle peut concerner l’information sur ce que l’autre fait (action cachée), ou ce que l’autre est, (identité cachée).

 

On a ainsi a priori 4 cas de figure, seuls 3 intéressent la théorie des contrats. On parle ainsi de modèle de signal lorsque le principal a une information privée sur son identité (son type), On parle de modèle d’auto-sélection lorsque l’Agent possède une information privée sur son type, on parle enfin de modèle de risque moral lorsque l’agent peut prendre des actions non observées par le principal.

 

 

Principal

Agent

Identité cachée

Signal

Auto-sélection

 Action cachée

                     

Risque moral